Hey hey les Freaksters!
Oui,
j'ai décidé de vous appeler comme ça, les "Freaksters", car vous êtes
de plus en plus nombreux à suivre mes aventures musicales sur Facebook et Twitter
et ça me fait chaud au cœur. Ça et les autres petites choses qui
rendent ma vie un peu plus agréables. Vous pouvez spéculer autant que
vous le souhaitez, je ne vous le dirais pas pourquoi...
Bref,
cette semaine, j'ai redécouvert un groupe qui a égayé pas mal de mes
après-midis entre 14 et 19 ans et que j'ai eu l'immense chance de voir
quelques temps avant la séparation définitive de ce groupe. Son leader
est certainement ce que le Canada a fait de mieux depuis l'invention de
la poutine, la scène alternative canadienne comme Cancer Bats, Danko
Jones ou Voivod et la série pour enfants "Macaroni Tout Garni". Et pour
ce joli retour en arrière, je dois remercier Lauris, un twitto aux goûts
musicaux des plus recommandables et qui a choisi de nous parler cette
semaine de ce génie, que dis-je de cette légende vivante qu'est Devin
Townsend et de son ancien groupe Strapping Young Lad.
*****
Nom: Lauris
Vous pouvez aussi le retrouver: avec son groupe, les Morganatics, où il officie en temps que guitariste.
Album choisi: City - Strapping Young Lad (1997)
"Je
crois sincérement que la découverte musicale est semblable à un sport,
et à ce titre, nécessite des efforts et de l’entrainement. Ainsi, je me
suis souvent confronté à des artistes ou des albums pour lesquels je
n’étais pas prêt, pour lesquels je manquais d’expérience.
Au
collège, j’écoutais Linkin Park et Sum 41, et j’avais l’impression
d’être un gars rock et nerveux. Mais quand je voyais mon pote arborer
son T-shirt Iron Maiden, je me disais “lui, c’est un vrai hardeux”.
Aujourd’hui, j’écoute Agoraphobic Nosebleed sans sourciller, et je me
passe du Norma Jean pour me mettre de bonne humeur le matin.
Il y
a plein d’albums que j’aurais pu présenter. J’aurais pu vous dire à
quel point Lateralus de Tool a bouleversé ma vision de la musique, comme
Blue Lines de Massive Attack a bercé mon enfance, ou encore le rapport
presque addictif que j’ai eu avec Bubblegum de Mark Lanegan. Mais j’ai
choisi de parler d’un album qui n’est pas forcément très important pour
moi, que je n’adore pas plus qu’un autre, mais plutôt d’une oeuvre que
j’ai mis longtemps à apprécier pleinement, et qui, à travers nos
différentes rencontres, m’a permis de témoigner de ma propre évolution
musicale. Aujourd’hui, j’ai décidé de vous parler de City de Strapping Young Lad.
Ma 1ere rencontre avec cet album a lieu vers 2005.
Je
m’intéressais alors principalement à la carrière solo de Devin
Townsend, la tête pensante de SYL. A ce moment là de ma vie, je formais
activement les goûts musicaux. Je m’étais rendu compte que les groupes
de neo-punks tels Sum 41 et Blink-182 étaient loin de pouvoir me
contenter et que la sphère progressive m’apportait beaucoup plus que les
classiques Nirvana et Hendrix. J’exultais en écoutant Pantera (mon
summum en matière de violence), tentant désespérément de faire ma crise
d’adolescence.
C’est à cette époque qu’on me présenta à
Strapping Young Lad, me l’introduisant comme “le meilleur groupe de
métal de tous les temps”. S’il y a une expression exprimant l’opposé du
coup de foudre, c’est probablement celle qu’il faudrait utiliser pour
décrire ma réaction à cette découverte. Tout n’était que répulsion avec
ces morceaux (Detox et Home Nucleonics en l’occurrence) : ces hurlements
déments, ces guitares incompréhensibles et inaudibles, cette batterie
qui semblait vouloir creuser un trou dans ma tête. Du coup, c’était
devenu un jeu pour mes potes et moi, une sorte de test de courage, que
d’écouter Strapping Young Lad. Qui allait tenir le plus longtemps sans
craquer. Personne n’avait encore entendu la fin du morceau à vrai dire.
Le plus drôle était même d’imaginer la tête de ceux qui écoutaient ce
genre de musique. Des fous probablement, des marginaux, voire des
criminels en puissance!
Cette étrange musique semblait même avoir des
effets sur les lois de la physique elle-même : un jour que je partais à
la fac, mon baladeur à fond et en mode aléatoire, j’ai entendu les 1er
notes d’Home Nucleonics, et le temps s’est alors dilaté, me laissant le
temps d’entrevoir toute la souffrance que l’explosion sonore allait
causer dans mon crâne.
Et puis, on s’est perdu de vue, Strapping Young Lad et moi.
Devin Townsend décida de mettre fin au groupe, et de prendre un peu de
repos lui-même. Moi, je continuais mon voyage musical. Et je me suis
retrouvé à explorer des territoires plus extrêmes, des musiques que je
ne pensais jamais pouvoir supporter.
Ma seconde
rencontre avec City s’est déroulé vers la fin de l’année 2009. Devin
Townsend était revenu avec de nouveaux projets, son fameux cycle Devin
Townsend Project, et je me suis donc replongé dans son oeuvre.
Je
suis donc retombé sur un City bien différent de mes souvenirs. Bien
sur, c’était toujours violent, dément, déjanté. Mais maintenant,
j’arrivais à en voir la subtilité et la richesse. Mon oreille était
alors suffisamment éduqué pour voir les nuances dans la brutalité de
l’oeuvre. C’était du métal extrême, mais avec l’univers de Townsend, que
j’adorais déjà depuis longtemps. Au delà du carnage et de la révolte,
il y a avait un côté étrangement lumineux, et une sorte de folie
surréaliste. J’étais devenu accro, cet album était toujours ultra
efficace pour me défouler, pour calmer mes mauvaises humeurs.
Strapping
Young Lad, c’était la fille un peu étrange de ta classe, dont tout le
monde se moquait au lycée. Et puis quand tu la recroises des années plus
tard, tu te rends compte que tu as beaucoup plus en commun avec elle
que tu ne le pensais.
Cet album, c’était devenu non seulement
un ami, mais aussi un jalon dans mon évolution. C’était la preuve que
j’avais appris à apprécier les musiques extrêmes, que j’avais éduquer
mon oreille.
Ma 3e rencontre avec City a eu lieu à Londres.
Autant
j’apprécie toujours de me faire éclater les oreilles à coup de blast-beat en concert, autant les pogos et autres moshpits me font un peu
peur. Je ne sais pas, j’ai l’impression de ne pas pouvoir apprécier
autant le concert si je dois me défendre contre des mecs qui se jettent
sur moi.
Il s’avère que je me suis retrouvé dans la capitale
anglaise pour le Retinal Circus de Devin Townsend, présenté comme un
résumé de sa carrière, avec toutes sortes de choses folles. Et il ne
nous a pas arnaqué : des choristes, des acrobates déguisés en singes, un
Ziltoid géant, des nains jongleurs, des cracheurs de feu. Et puis
l’impensable: Jed Simon (le guitariste de Strapping Young Lad) qui
débarque sur scène.
Quand vous voyez un groupe que vous attendiez depuis longtemps, vous
êtes vraiment content. Quand c’est un groupe qui vient de se reformer,
et que vous ne pensiez jamais pouvoir le voir, c’est un évènement hyper
marquant. Quand la reformation a lieu en plein concert, et que personne
ne s’y attend, vous ne pouvez rien faire contre l’adrénaline et
l’excitation. Sans même m’en rendre compte, je me suis retrouvé sur mon
voisin, en apesanteur entre 3 anglais.
Je ne peux pas vraiment
dire que City soit un album particulièrement important pour moi, comparé
à bien d’autres. Mais chaque fois que je me replonge dedans, à chacune
de nos nouvelles rencontres, je me rends compte de comment j’ai évoluer
musicalement, dans mes goûts et mes comportements
Finalement, City, c’est un peu mon “Quand Harry rencontre Sally”
*****Si
ce texte vous a plu, je vous invite à m'envoyer par mail votre texte
(avec pour objet: "un album, une histoire") afin d'être publié très
prochainement dans cette rubrique qui grandit de semaine en semaine. La
semaine prochaine, ce sera moi qui publiera un texte sur un album qui
m'a marqué au fer rouge lorsque je l'ai eu en ma possession, il y a 10
ans: "Dirt" d'Alice In Chains.